Points de langue - 5 février 2018 - 4 min

Réduire au maximum

J’ai un doute à propos de cette phrase  : « Il faut réduire au maximum la quantité de déchets. » Ne faudrait-il pas plutôt dire « réduire au minimum » ?

Profitons de la question pour d’abord rappeler quelques difficultés liées au mot maximum.

Maximum, minimum et optimum

Noms

Les noms français maximum, minimum et optimum dérivent respectivement de ces adjectifs superlatifs latins :

maximus

= « très grand » ou « le plus grand »

minimus

= « très petit » ou « le plus petit »

optimus

= « très bon », « excellent » ou « le meilleur »

En latin, au genre neutre singulier du cas nominatif, ces trois adjectifs prennent la finale -⁠um  : maximum, minimum et optimum. C’est par emprunt de ces formes neutres qu’ont été créés au xviiie siècle les trois noms français masculins, avec un sens de superlatif relatif (« la plus grande valeur », « la plus petite valeur », « la meilleure valeur »).

Au pluriel, deux formes sont utilisées pour ces noms français. D’une part, celles qui utilisent la finale -⁠a correspondant au pluriel du neutre latin  : maxima, minima et optima. D’autre part, celles qui ajoutent un s conformément à la règle générale française  : minimums, maximums et optimums. On peut donc écrire indifféremment  :

Ce graphique montre les maxima mensuels de température.
Ce graphique montre les maximums mensuels de température.

Cela dit, le pluriel en -⁠a survit surtout dans la langue scientifique. Le pluriel en -⁠ums, moins savant mais plus régulier pour les francophones, est de nos jours celui qui est généralement recommandé. On écrira donc de préférence  :

Ce graphique montre les maximums mensuels de température.

Adjectifs

Les trois noms français ont aussi été utilisés comme adjectifs à partir du xixe siècle. Par exemple, dans l’expression le niveau maximum, le mot maximum prend une valeur adjectivale signifiant « qui constitue le maximum ».

Pour la formation du pluriel, ce qui a été dit ci-dessus pour les noms vaut pour les adjectifs  : deux formes sont possibles, la seconde étant à privilégier.

les niveaux maxima
les niveaux maximums

Une complication se pose toutefois pour les adjectifs  : la formation du féminin singulier. On trouve parfois la forme en -⁠a, conforme au féminin singulier latin, et parfois la forme en -⁠um, identique à celle du masculin français.

la valeur maxima
la valeur maximum

La deuxième forme, plus fréquente de nos jours, est préférable.

On pourrait se demander pourquoi on n’ajoute pas simplement un e pour le féminin, conformément à la règle générale française. Outre le fait qu’une finale en -⁠ume provoquerait un changement dans la prononciation, il y a sans doute que l’emploi adjectival de maximum est souvent encore senti comme une apposition résultant d’une ellipse  :

la valeur (qui est le) maximum

Les complications flexionnelles de ces adjectifs expliquent pourquoi le français a fini par créer trois synonymes, maximal, minimal et optimal, dont le suffixe -⁠al se fléchit à sa façon usuelle  :

le montant maximal
la quantité minimale
les niveaux minimaux
les conditions optimales

Comme ces adjectifs en -⁠al présentent des formes fléchies plus françaises et non ambigües, on recommande généralement de les employer de préférence à leurs synonymes en -⁠um.

Verbes

Le français connait également trois paires de verbes synonymes  :

maximiser/maximaliser
minimiser/minimaliser
optimiser/optimaliser

Les formes en -⁠iser ont été empruntées, au xixe siècle, aux verbes anglais équivalents en -⁠ize (maximize, minimize et optimize). Les formes en -⁠aliser, dérivées des adjectifs en -⁠al, sont plus récentes et restent relativement rares, quoique bien formées. La syllabe supplémentaire les désavantage sans doute.

Au maximum, au minimum

L’expression au maximum peut prendre le sens littéral de « à la valeur maximale »  :

Le réglage a été ajusté au maximum.
Le niveau d’alerte a été élevé au maximum.

En présence d’un nombre, au maximum signifie parfois « tout au plus »  :

Il y avait cinquante spectateurs au maximum.

Elle revêt aussi, dans des contextes qui n’impliquent pas spontanément de gradation numérique, le sens de « le plus possible »  :

Il faut exploiter au maximum cette occasion.
Je vais en profiter pour me reposer au maximum.

Signalons au passage le caractère pléonastique et critiquable d’expressions comme au grand maximum ou le grand maximum, puisque la notion de « grand » est implicite dans maximum.

Quant à elle, la locution au minimum peut revêtir des acceptions équivalentes, mais de sens contraire à celles d’au maximum  :

Le réglage a été ajusté au minimum.

= « à la valeur minimale »

Il y avait cinquante spectateurs au minimum.

= « au moins »

Il faudra veiller à perturber au minimum la circulation.

= « le moins possible »

Réduire au maximum, réduire au minimum

Avec ces diverses acceptions à l’esprit, revenons donc à la phrase de départ  :

Il faut réduire au maximum la quantité de déchets.

On peut en tirer deux lectures différentes  :

« Il faut réduire à sa valeur maximale la quantité de déchets. »
« Il faut réduire le plus possible la quantité de déchets. »

En fait, la première interprétation mène à une contradiction, puisqu’on voit mal comment la valeur cible serait une valeur maximale si elle est le résultat d’une réduction. On conclut par élimination de ce non-sens que c’est surement la deuxième interprétation qu’il faut retenir. L’équivoque est levée, mais le rédacteur aurait gagné en clarté s’il avait dès le départ écrit  :

Il faut réduire le plus possible la quantité de déchets.
Il faut minimiser/minimaliser la quantité de déchets.

On pourrait aussi lui proposer d’écrire plutôt  :

Il faut réduire au minimum la quantité de déchets.

Mais, dans ce cas, deux interprétations contraires sont possibles  :

« Il faut réduire à sa valeur minimale la quantité de déchets. »
« Il faut réduire le moins possible la quantité de déchets. »

Prise isolément, chacune est sémantiquement cohérente, alors laquelle comprendre ? Il faudra s’en remettre au contexte. Ici, comme il est question de déchets, on peut légitimement supposer que c’est la réduction de leur quantité qui est souhaitée.

Le contexte suffit généralement à dissiper le doute, mais on peut imaginer des phrases où il serait moins aisé de trancher spontanément  :

Il faut réduire au minimum la durée des soins.
Il faut réduire au minimum la longueur de la robe.

Qu’est-ce qui doit être minimal, la réduction ou la longueur de la robe ? Attention aux malentendus !

D’un point de vue historique, on observe que la tournure réduire au minimum est nettement plus ancienne — et demeure plus fréquente — que réduire au maximum. Cette dernière a commencé à prendre son essor vers le milieu du xxe siècle, parallèlement à l’apparition du sens « le plus possible » pour la locution au maximum. Les extensions sémantiques de celle-ci et d’au minimum ont progressivement jeté une certaine confusion quand elles sont employées avec le verbe réduire ou un verbe synonyme.

On observe par ailleurs qu’une autre tournure envisageable, augmenter au minimum (au sens d’« augmenter le moins possible », comme dans « augmenter au minimum les salaires »), se rencontre beaucoup plus rarement que l’expression symétrique réduire au maximum.

Quoi qu’il en soit, pour une communication optimale, il serait sage de réduire au... de minimaliser l’emploi de ces tournures devenues peu limpides. À moins de cultiver à dessein l’ambigüité  :

Chères électrices, chers électeurs, je vous promets de réduire au minimum les impôts !

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

Essayez Antidote gratuitement!

Commencer maintenant
Aucun résultat trouvé