Parler du Web avec le mot juste
Les ouvrages de référence se sont longtemps montrés prudents dans la description du vocabulaire et des constructions grammaticales qui entourent l’utilisation d’Internet. Cette prudence relève de l’hésitation dans l’usage et des changements terminologiques rapides qui ont accompagné l’implantation progressive du cyberespace dans la vie de tous les jours. Les pratiques se sont peu à peu fixées et sont désormais pour la plupart bien encadrées par les autorités linguistiques, certaines ayant déjà été abordées à la pièce sur ce blogue. Cet article tente de faire la revue des notions qui peuvent toujours susciter des questionnements sur le sujet.
Le Net et le Web
Internet et Web sont bien souvent utilisés de manière interchangeable dans la langue courante pour nommer la même réalité. Au sens strict de chacun, ils désignent des éléments qu’il convient de distinguer.
À titre de rappel, Internet correspond au grand réseau d’ordinateurs interconnectés permettant de faire circuler de l’information en tout genre aux quatre coins du monde. Le Web constitue plus spécifiquement un système permettant de consulter et de publier du contenu sur Internet. Le mot Web désigne par extension l’ensemble de ce contenu. Ainsi, une information stockée sur le Web se trouve forcément sur Internet, mais une information sur Internet peut ne pas se trouver sur le Web (un courriel, par exemple).
Internet a pour forme raccourcie le Net. Le Web a pour synonyme la Toile (ou Toile mondiale), terme qui fait l’objet en France d’une recommandation officielle de la Commission d’enrichissement de la langue française.
Comment on en parle
Ces termes ont un caractère qui les rapproche de noms propres et prennent pour cette raison la majuscule. La minuscule est cependant admise et bien répandue dans l’usage : internet, le web, etc.
Le déterminant défini est obligatoire devant Web, Toile ou le diminutif Net :
*les acteurs de Web
les acteurs du Web
publier sur la Toile
publier sur le Net
Il est cependant facultatif devant Internet :
les enjeux d’Internet
les enjeux de l’Internet
L’emploi du déterminant défini devant Internet, répandu sous l’influence de l’anglais, n’est pas recommandé, mais ne saurait être considéré comme fautif en français.
Le déterminant défini est notamment employé dans des expressions faisant référence à des sous-ensembles d’Internet (comme l’Internet des objets) ou à des réseaux superposés qui utilisent l’architecture d’Internet sans communiquer directement avec le réseau (comme l’Internet clandestin ou darkweb). La minuscule est également populaire dans ces contextes, comme on ne réfère plus directement à un réseau Internet unique.
En raison de la pluralité de ces réseaux, on rencontre parfois dans la langue spécialisée le pluriel les internets. Cette graphie, également employée de manière humoristique par certains initiés, est néanmoins fautive du point de vue des autorités linguistiques, qui jugent qu’Internet est invariable.
Emplois en apposition
Internet et Web apparaissent en apposition dans de nombreuses expressions (site Internet, café Internet, développeur Web, etc.). Ils restent invariables même lorsqu’ils sont apposés à un nom pluriel. L’emploi de la majuscule reste de surcroit facultatif :
des sites Internet
des sites web
Ces expressions sont soumises aux mêmes nuances sémantiques qui distinguent Internet du Web. Ainsi, un site Internet correspond à l’emplacement sur le réseau où se situe un ordinateur connecté à Internet alors qu’un site Web constitue un site Internet sur lequel sont hébergées des pages Web. Une adresse Internet est une adresse réseau utilisée pour localiser un site Internet alors qu’une adresse Web permet à un navigateur d’accéder à un site Web.
Au contraire d’Internet et de Web, les mots Net et Toile ne sont pas utilisés en apposition. En leur présence, site Internet devient site sur le Net, page Web devient page sur la Toile. Une apposition comme développeur Web peut être paraphrasée par développeur d’applications sur la Toile.
Comment on s’en sert
On appelle conventionnellement navigateur un logiciel capable de repérer et d’interpréter le contenu du Web. Ce terme, vraisemblablement inspiré de Netscape Navigator, nom commercial d’un logiciel autrefois très populaire, est le premier d’une série de métaphores liées au champ lexical de l’exploration qui ont servi à nommer ce type de logiciel dans les balbutiements du Web.
On connait le synonyme fureteur, encore en usage (surtout au Québec) et présent dans les dictionnaires de langue. Dans les années 1990, les médias parlent de butineur, dont le sens en question a fait une brève apparition dans l’édition 2001 du Petit Larousse avant de disparaitre pour de bon dans les millésimes suivants. Ce terme a plus ou moins disparu de l’usage, mais surgit par-ci par-là, surtout par plaisanterie.
Explorateur, inspiré du logiciel Internet Explorer, a également tenté de s’imposer dans l’usage avant de tomber en désuétude. On peut aussi aujourd’hui lire avec un certain amusement des occurrences passées de fouineur et de brouteur, qui n’ont à leur tour pas survécu à l’épreuve du temps. On notera que ce dernier mot a trouvé sa place dans le vocabulaire informatique pour désigner aujourd’hui un escroc qui mène ses arnaques en ligne.
Internet comme cyberespace
Les mots employés pour décrire les interactions avec Internet sont aujourd’hui bien ancrés dans la langue et traduisent une conception partagée de ce réseau comme un vaste espace à explorer.
Les métaphores maritimes abondent. Le verbe naviguer, de même famille que navigateur, est largement utilisé pour décrire l’utilisation du réseau, de même que le verbe surfer, plus populaire en Europe. Les utilisateurs du Net sont des internautes ou plus rarement des cybernautes, soit des personnes qui naviguent sur Internet ou dans le cyberespace.
On peut en outre fureter sur Internet, le parcourir, s’y promener. On y suit des liens, on peut s’y perdre. Les textes, vidéos et images y circulent comme sur une voie routière, faisant un lien avec son surnom autoroute de l’information.
La façon d’imaginer cet espace influence le choix des prépositions employées avec ces verbes. Il y a concurrence entre les prépositions sur et dans :
naviguer sur Internet | naviguer dans Internet | |
surfer sur Internet | surfer dans Internet | |
chercher sur le Net | chercher dans le Net | |
fouiller sur un site Web | fouiller dans un site Web | |
circuler sur le Web | circuler dans le Web | |
publier sur un blogue | publier dans un blogue | |
s’inscrire sur un forum | s’inscrire dans un forum |
Si les deux prépositions sont correctes en français, on note une nette préférence pour la préposition sur dans les emplois modernes. L’expression la Toile est notamment utilisée presque exclusivement avec la préposition sur.
Certains verbes relatifs à l’utilisation d’Internet demandent plutôt un complément direct, donc sans préposition :
consulter Internet
parcourir le Web
éplucher le Net
Internet comme interlocuteur
Il n’est pas rare de parler d’Internet ou de sites Web comme s’il s’agissait de personnes avec lesquelles il est possible d’interagir. Ces emplois gagnent en popularité maintenant qu’Internet est de plus en plus consulté au moyen d’agents conversationnels :
As-tu pensé à interroger le Net ?
Internet lui indique ce qu’il faut faire.
Il demande à Google la bonne réponse.Dans un registre plus familier, on observe également l’emploi de googler, bien inscrit dans l’usage.
Ce type d’emploi peut prendre ses sources dans la métonymie, où l’on réfère en fait aux utilisateurs du Web ou d’un site Web :
Elle pose sa question à Facebook.
Il partage sa bonne nouvelle avec le Web.
Des termes se forment à l’occasion avec le suffixe -sphère pour nommer certains espaces en ligne et leur communauté. On appelle communément blogosphère les grands réseaux des blogues, populaires au début des années 2000, puis twittosphère le monde du microblogage, mis de l’avant sur le réseau social X, autrefois Twitter :
Il s’est adressé à la twittosphère.
La rumeur circule sur la blogosphère.
Son article se trouve dans la blogosphère.
Utilisation des hyperliens
La navigation entre pages Web s’effectue principalement en cliquant sur des hyperliens (ou liens hypertextes). L’intégration la plus naturelle des hyperliens dans un texte consiste à associer un adresse URL, aussi appelée une URL, à un ou plusieurs mots, qu’on rend alors cliquables et qui acheminent l’internaute vers la page de destination. Si l’adresse doit plutôt être écrite au long, par exemple par souci de transparence ou dans un document imprimé, elle peut être introduite par les prépositions à ou sur :
Pour obtenir plus de renseignements, rendez-vous à https://www.antidote.info.
Pour obtenir plus de renseignements, rendez-vous sur antidote.info.Il n’est pas rare de raccourcir une adresse à sa plus simple expression en omettant le protocole de communication (https) et le sous-domaine (www).
Il est permis de faire précéder l’adresse du déterminant défini le, sur le modèle d’une adresse postale. Si elle suit la préposition à, on utilise alors le déterminant contracté au :
Pour obtenir plus de renseignements, visitez www.antidote.info.
Pour obtenir plus de renseignements, visitez le www.antidote.info.
Pour obtenir plus de renseignements, rendez-vous au www.antidote.info.
Soulignons finalement qu’il faut toujours ajouter un point final à la phrase qui se termine par une adresse URL.