Rédaction inclusive
Lorsqu’il est question du français écrit, on rencontre de plus en plus souvent des expressions comme écriture inclusive, rédaction épicène ou langage non sexiste. De quoi s’agit-il et comment l’appliquer ?
Ces diverses expressions traduisent un souci d’équilibrer la visibilité des femmes et des hommes dans le lexique et la syntaxe du français.
Pour diverses raisons historiques, et pas toujours si anciennes, certains usages et règles du français ont eu tendance à invisibiliser les femmes dans les textes. Par exemple, alors qu’au Moyen Âge, l’accord en genre avec des noms coordonnés de genre différent pouvait se faire en fonction du genre du mot le plus proche (des hommes et des femmes heureuses), à partir du xviie siècle s’est imposée la règle qu’on résume souvent par la formule « le masculin l’emporte sur le féminin » (des hommes et des femmes heureux). De la même manière, l’époque classique s’est souvent montrée plus conservatrice que le Moyen Âge pour ce qui est de la féminisation des noms de métiers et de fonctions, en particulier pour les fonctions les plus valorisées socialement.
Sans mettre à l’envers la grammaire du français, il est légitime de vouloir réduire le décalage entre la langue et les mœurs. La présence d’hommes et de femmes dans toutes les sphères de la société est le fruit d’une évolution sociale qui s’étend aussi à notre manière d’écrire. Aujourd’hui, une offre d’emploi rédigée uniquement avec un masculin générique (par exemple, informaticien recherché) pourrait être perçue comme sexiste. Un texte qui s’adresse à un lectorat mixte, ou qui concerne des hommes et des femmes, peut être rédigé de manière à ce que les deux sexes s’y trouvent équitablement représentés.
Procédés de rédaction inclusive
La langue française dispose d’un ensemble de procédés pour rendre un texte plus inclusif. Ils compliquent peut-être la tâche du scripteur, mais facilitent celle du lecteur, ce qui est le but d’une communication efficace. Leur application ne doit pas nuire au style ni à la lisibilité du texte. Les deux genres doivent y être représentés, sans pour autant devenir envahissants. On veillera donc à faire preuve de souplesse et à varier les procédés.
Emploi de mots neutres
Un nom collectif, même s’il ne possède qu’un seul genre grammatical, désigne généralement un ensemble qui inclut implicitement des personnes des deux sexes :
la clientèle
le lectorat
l’auditoire
l’équipe de recherche
le corps enseignant
la main-d’œuvre
le barreau
l’électorat
le personnel
Le nom du service pour lequel travaillent des membres du personnel peut jouer un rôle collectif neutre similaire :
le secrétariat
le service informatique
l’administration
la comptabilité
la réception
la rédaction
la direction
Emploi de mots épicènes
Un mot épicène possède la même forme au masculin et au féminin (un spécialiste, une spécialiste). Il est tout indiqué pour désigner aussi bien des femmes que des hommes quand il est utilisé avec des modificateurs (déterminants, adjectifs) qui sont eux-mêmes épicènes :
les spécialistes
les gestionnaires
des bénévoles
chaque locataire
plusieurs scientifiques
quelques collègues
nos athlètes olympiques
l’ordre des dentistes
les plus jeunes élèves
vous êtes admissible
On peut aussi inclure dans la liste des mots épicènes certains mots qui n’ont qu’un seul genre grammatical, mais qui peuvent faire référence aussi bien à un homme qu’à une femme :
une célébrité
un individu
la personne
le bébé
ce personnage
une grande vedette
un être humain
la victime
une sommité mondiale
un prête-nom
une personnalité controversée
un prix Nobel
Féminisation lexicale
Certains noms particuliers de métiers, de fonctions ou de titres ont souvent été utilisés au masculin même pour désigner une femme (un écrivain, le directeur, le juge), mais la tendance du français contemporain pour ces mots est de suivre la règle habituelle en les féminisant morphologiquement (au moyen de diverses terminaisons féminines) ou syntaxiquement (emploi avec un déterminant féminin) :
une écrivaine
la directrice
une chercheuse
la sénatrice
la magistrate
la présidente
l’ambassadrice
la juge
la ministre
Signe des temps, l’Académie française, qui a longtemps opposé une certaine résistance à ce genre de féminisation, s’est récemment prononcée en sa faveur.
Emploi de doublets complets
Un doublet complet est une expression composée de la forme masculine et de la forme féminine d’un même mot (nom, déterminant, adjectif, pronom), habituellement jointes par la conjonction ou ou et :
le client ou la cliente
les étudiants et les étudiantes
le ou la responsable
ce ou cette partenaire
les membres inscrits et inscrites
chers concitoyens, chères concitoyennes
il ou elle
ceux et celles
tous et toutes
Dans quel ordre présenter les deux éléments ? Il n’y a pas de règle. Les exemples qui précèdent sont présentés avec le masculin en première position, mais le recours systématique à cet ordre ou à l’ordre inverse pourrait être senti comme accordant une préséance à l’un des deux genres. Pour éviter de donner une telle impression, on peut faire varier l’ordre, en se basant par exemple sur ce qui sonne le mieux à l’oreille dans le contexte. Une autre solution, simple et objective, consiste à présenter les deux formes en ordre alphabétique, ce qui créera une alternance plus ou moins équilibrée de l’ordre des genres dans une longue série de doublets. Ainsi, si on reprend les exemples précédents en appliquant cette solution, on obtient :
le client ou la cliente
les étudiantes et les étudiants
la ou le responsable
ce ou cette partenaire
les membres inscrites et inscrits
chères concitoyennes, chers concitoyens
elle ou il
celles et ceux
tous et toutes
Les doublets remplissent l’objectif de la rédaction inclusive en rappelant explicitement qu’il est question des personnes des deux sexes. En revanche, leur emploi systématique peut devenir envahissant et alourdir le texte.
Procédés à éviter
Doublets abrégés
Un doublet abrégé a l’aspect d’un « mot » unique où sont concaténées la forme masculine et une terminaison féminine (et souvent aussi une terminaison plurielle), ces éléments étant reliés par un signe typographique ou de ponctuation. On constate dans l’usage une grande variété de signes employés dans ce but :
adjoint(e)s
résident·e·s
salarié[é]s
plombier/ière/s
réviseur-euse-s
étudiantEs
lecteur.trice.s
Ces signes sont présentés ci-dessus dans un ordre qu’on pourrait dire de « nuisance croissante ». Les doublets abrégés compromettent en effet la fluidité de la lecture, à plus forte raison de la lecture à haute voix, qui devient carrément impossible. C’est pourquoi leur emploi est fortement déconseillé. On les réservera à des contextes exceptionnels où l’espace manque (tableaux, formulaires) et où aucune solution de rechange n’est possible.
Emploi exclusif du masculin ou du féminin générique
Par masculin générique ou féminin générique, on entend des emplois tels que :
l’employé (pour désigner un membre quelconque du personnel formé d’hommes et de femmes)
les usagers (pour désigner des personnes des deux sexes)
les infirmières (pour désigner un groupe incluant une minorité d’hommes)
Il faut éviter d’y recourir à l’exclusion des procédés inclusifs, mais on peut s’en servir ponctuellement, en alternance avec ceux-ci dans un même texte.
Le masculin générique ou le féminin générique peut se justifier dans certains contextes particuliers comme la désignation d’une personne morale dans un texte à caractère juridique, la dénomination officielle d’un organisme ou encore une raison sociale :
L’employeur est tenu de rémunérer le salarié selon les modalités suivantes.
Conseil international des infirmières
Note de « décharge de responsabilité »
N’est pas considérée comme procédé de rédaction inclusive la pratique qui se réduit à légitimer l’emploi exclusif et systématique du masculin générique par le simple recours, au début du texte, à une note de ce type :
Pour ne pas alourdir le texte qui suit, le masculin est employé seul, mais il inclut à la fois les hommes et les femmes.
Une telle note peut laisser la mauvaise impression d’une volonté de se débarrasser à bon compte du « problème » de l’inclusivité.
Antidote
Le correcteur d’Antidote comprend dans son volet Style un « filtre d’inclusivité » qui facilite le processus de révision d’un texte du point de vue de la rédaction inclusive en signalant les éléments qui demandent une vérification à ce regard. En fonction de la détection courante, une infobulle fournit des suggestions de remplacement ou d’autres recommandations.
Quant à lui, le dictionnaire des définitions d’Antidote s’avère utile si l’on hésite par exemple sur la forme féminine d’un nom de métier donné. Dans les cas où l’usage hésite entre diverses formes, une note fournit souvent quelques précisions à ce sujet.
Enfin, on trouvera dans les guides linguistiques d’Antidote des articles détaillés consacrés aux différents procédés de rédaction inclusive.