Davantage sur davantage
Les explications données dans Antidote sur les emplois du mot davantage ont laissé un utilisateur un tantinet sur sa faim. Voici un complément qui devrait le rassasier.
davantage et d’avantage
L’adverbe comparatif davantage signifie « plus », « en plus grande quantité », « à un plus haut degré ». Comme en témoigne son ancienne orthographe d’avantage, il était à l’origine une locution adverbiale formée de la combinaison de la préposition de (élidée sous la forme d’) et du nom avantage. C’est au xviie siècle que la locution adverbiale s’est définitivement soudée graphiquement pour former le mot davantage. Cette graphie permet de distinguer à l’écrit les occurrences au sens adverbial de celles où la préposition d’ et le nom avantage (« profit », « gain », « intérêt », « qualité ») conservent leur sens habituel et, donc, leur graphie non soudée.
Il n’y a pas d’avantage à employer cette méthode.
= « il n’y a pas d’intérêt »
Cette solution offre beaucoup d’avantages et peu d’inconvénients.
= « beaucoup de qualités »
Ce modèle me plait davantage.
= « me plait plus »
Comme les deux expressions sont homophones (identiques à l’oreille), c’est une erreur assez fréquente de les confondre à l’écrit, ce dont on prendra bien garde.
Passons donc en revue les divers emplois du mot davantage.
davantage ou plus ?
L’adverbe comparatif davantage sert habituellement de simple synonyme à l’adverbe plus. Il est moins fréquent et donc un peu plus « recherché » et expressif. Sa relative longueur le rend moins maniable. Par exemple, c’est probablement en raison de sa lourdeur que l’ancienne expression beaucoup davantage n’a guère survécu aux expressions synonymes beaucoup plus et bien plus. (En revanche, bien davantage, plus bref, s’est maintenu dans l’usage.)
Cette lourdeur de davantage peut par ailleurs donner du corps à la phrase, en particulier à la fin de la phrase, où plus peut sembler un peu court.
Je l’estime plus.
Je l’estime davantage.
On trouve parfois les deux synonymes plus et davantage employés conjointement dans des constructions corrélatives comme celle-ci :
Plus on la connait, davantage on l’aime.
Dans le précédent exemple, l’emploi de davantage présente l’intérêt prosodique d’égaliser le nombre de syllabes de part et d’autre de la virgule, ce qui, à l’oreille, donne un rythme plus équilibré que :
Plus on la connait, plus on l’aime.
Le mot plus revêtant une plus grande variété de sens, il est possible de trouver des contextes où son emploi laisse dans le texte une ambigüité qui serait levée si on le remplaçait par davantage. Imaginons par exemple la situation où, ayant envoyé à un ami une proposition de sortie, on reçoit cette réponse :
Rien ne me tente plus.
Que faut-il comprendre ? Cet ami est-il déprimé ou emballé ? La phrase peut en effet s’interpréter de deux façons :
Il n’y a plus rien qui me tente.
Rien ne me tente davantage.
Dans la deuxième éventualité, il aurait été plus clair — et plus rassurant ! — d’employer davantage au lieu de plus.
davantage + adverbe ou adjectif
L’adverbe comparatif davantage modifie normalement un verbe.
Luc me plait davantage que Marc.
On le trouve occasionnellement comme modificateur d’adverbe ou d’adjectif, mais ces emplois sont déconseillés par la majorité des grammairiens.
*Luc agit davantage aimablement que Marc.
*Luc est davantage aimable que Marc.
Dans les deux derniers exemples, il faudrait plutôt employer plus :
Luc agit plus aimablement que Marc.
Luc est plus aimable que Marc.
La tendance à — ou, du moins, la tentation de — utiliser davantage avec un adjectif s’explique peut-être par le fait que davantage peut s’employer avec un participe passé utilisé dans un temps composé. Et, comme le même participe passé peut prendre par ailleurs une valeur adjectivale, il est facile de glisser insensiblement entre les emplois corrects (les deux premiers exemples ci-dessous) et les emplois moins recommandables (les trois derniers exemples) :
Je l’estime davantage.
Je l’ai davantage estimé.
*Il est davantage estimé.
*C’est un vin davantage estimé.
*C’est un vin davantage estimable.
Lorsque l’adjectif est représenté par le pronom neutre le (ou sa version élidée l’) en fonction attribut, ce pronom peut être modifié par davantage :
Son père n’était pas inquiet, sa mère le semblait davantage.
Marc est aimable, mais Luc l’est davantage.
davantage de
La construction davantage de, suivie d’un nom, joue le rôle d’un déterminant indéfini synonyme de plus de :
Il faut mettre davantage d’eau dans la préparation.
Davantage d’efforts seront nécessaires pour mener à bien notre projet.
Nous avons eu davantage de pluie cette année.
Cette tournure, courante dès le xviie siècle, a fait à une certaine époque l’objet de critiques restées sans effet, car elle demeure aujourd’hui bien vivante. On peut l’utiliser sans réserve.
Le groupe formé de de et du nom complément du verbe peut être remplacé par le pronom en placé devant celui-ci :
Il faut en mettre davantage dans la préparation.
Nous en avons eu davantage.
davantage que
La construction davantage que est quant à elle synonyme de plus que :
Elle travaille davantage que son frère.
Ce modèle me plait davantage que le précédent.
Il inspire du respect davantage que de la sympathie.
Il inspire davantage de respect que de sympathie.
Cette tournure ancienne comme la précédente a connu un destin semblable : elle a été un temps critiquée par des grammairiens, mais son emploi contemporain courant la rend tout à fait correcte.
Autres emplois de davantage
Le mot davantage revêt parfois le caractère d’un pronom indéfini signifiant « un plus grand nombre, une plus grande quantité (de choses, de personnes) ». C’est le cas de la première occurrence du mot dans le titre de la présente chronique. D’autres exemples :
Davantage sera dit sur cette question lors de la prochaine réunion.
Certains la détestent, davantage la vénèrent.
Il jouit d’une fortune appréciable, mais sa sœur possède davantage.
L’adverbe est assez souvent employé au sens temporel de « plus longtemps » :
Je ne peux pas attendre davantage, j’ai un train à prendre.
Cette situation ne peut pas durer davantage.
Il est aussi parfois employé comme superlatif relatif, c’est-à-dire au sens de « le plus ». Cette survivance d’un usage classique se trouve surtout dans un registre soutenu :
Parmi toute son œuvre, c’est ce roman qui me plait davantage.
Autre emploi suranné, en tête de phrase ou de proposition, au sens de « bien plus, de plus, en outre » :
Cette précaution est inutile. Davantage, elle est souvent nuisible.
Le mot davantage était aussi employé au sens de « de plus ». Cet usage est devenu rare :
Que pouvais-je faire davantage ?
Il n’y a rien davantage à dire à ce sujet.
Et, comme ce dernier exemple s’applique justement à ce point-ci de la chronique, il servira de conclusion à ce petit tour du mot du jour.