Are, acre et arpent
La chronique de ce mois sera superficielle, dans la mesure où il est question de termes liés à la superficie. Un utilisateur a demandé des précisions sur ces noms d’unités servant à quantifier des étendues de terrain : are, acre et arpent.
surface, aire, superficie
Avant de s’étendre sur ces unités, disons un mot de la grandeur qu’elles mesurent : doit-on parler de l’aire, de la surface ou de la superficie ? En géométrie, le mot surface désigne un objet mathématique à deux dimensions, alors que sa grandeur mesurée est appelée aire. Celle-ci est aussi appelée surface ou superficie dans le langage courant. Le mot superficie est fréquemment employé quand il s’agit de mesurer des surfaces relativement grandes, comme des terrains ou des zones géographiques.
mètre carré et ses dérivés
Pour faciliter les comparaisons, petit rappel sur le mètre carré.
Dans le Système international d’unités (SI), en vigueur dans la plupart des pays du monde, l’unité de base de longueur est le mètre (m), et l’unité de superficie porte un nom qui en est simplement dérivé, soit mètre carré (m2). Comme son nom l’indique, cette dernière est égale à la superficie d’un carré d’un mètre de côté. Lorsqu’on utilise l’expression mètre carré au pluriel, il faut prendre soin d’ajouter un s aux deux mots mètre et carré :
un mètre carré
neuf mètres carrés
On peut employer des unités multiples ou sous-multiples en utilisant les préfixes habituels du SI. Voici les unités dérivées dont l’ordre de grandeur convient pour décrire des terrains :
décamètre carré (dam2) | = carré de 10 mètres de côté | = 100 mètres carrés | |
hectomètre carré (hm2) | = carré de 100 mètres de côté | = 10 000 mètres carrés | |
kilomètre carré (km2) | = carré de 1 000 mètres de côté | = 1 000 000 mètres carrés |
Attention à la façon d’interpréter une unité dotée d’un préfixe et d’une mise au carré, comme kilomètre carré. Cette mise au carré ne s’applique pas seulement à l’élément -mètre, mais aussi au nombre représenté par le préfixe. Autrement dit :
1 km2 ≠ 1 k(m2) | ⇒ 1 km2 ≠ 1 000 × (1 m2) | ⇒ 1 km2 ≠ 1 000 m2 | |
1 km2 = 1 (km)2 | ⇒ 1 km2 = (1 000 × 1 m)2 | ⇒ 1 km2 = 1 000 000 m2 |
Un kilomètre carré vaut donc bien un million de mètres carrés et non pas mille, comme le préfixe kilo- pourrait le laisser croire.
are et ses dérivés
L’ancêtre du SI, le système métrique instauré sous la Révolution française, avait prévu une unité de superficie, appelée are (du latin area, « surface »), définie en 1795 comme la superficie d’un carré de terrain de 10 mètres de côté. L’are vaut donc 100 m2. Quelques unités dérivées multiples et sous-multiples ont aussi été créées :
1 centiare (ca) | = 0,01 are | = 1 m2 | |
1 déciare (da) | = 0,1 are | = 10 m2 | |
1 are (a) | = 1 are | = 100 m2 = 1 dam2 | |
1 décare (daa) | = 10 ares | = 1 000 m2 | |
1 hectare (ha) | = 100 ares | = 10 000 m2 = 1 hm2 = 0,01 km2 |
Attention au genre de ces noms, tous masculins : un are, un hectare, etc. Le h de hectare est muet : l’hectare.
La plupart de ces unités ne se retrouvent guère plus que dans les actes notariés, à l’exception de l’hectare, d’un emploi encore très courant. Dans la presse, il n’est pas rare de lire par exemple qu’un incendie a détruit tant d’hectares de forêt. L’hectare est aussi la seule de ces unités qui soit reconnue par le SI, dont la brochure officielle courante précise qu’elle fait partie des « unités en dehors du SI dont l’usage est accepté avec le SI1 » en raison de sa fréquence d’utilisation.
On tombe parfois sur des unités comme kilohectare (kha) ou mégahectare (Mha), qui juxtaposent chacune deux préfixes, ce qui est une pratique peu recommandable (elle est interdite dans le cas des unités du SI). Un kilohectare équivaut à 10 km2 ; un mégahectare à 10 000 km2.
Le mot are a aussi donné comme dérivé le nom rare aréage (« mesurage des surfaces agraires en ares »).
acre
Malgré une ressemblance superficielle, le nom acre n’a aucun lien avec are. Bien plus ancien, il a probablement pour origine un mot germanique apparenté au nom latin ager, « champ ». On suppose que, à l’origine, cette unité correspondait à la surface d’un champ qu’un attelage de deux bœufs pouvait labourer en une journée.
En France, sous l’Ancien Régime, c’est principalement en Normandie que l’acre était en usage, avec des valeurs assez variables selon les localités, de l’ordre de 5 000 m2, ou 0,5 ha.
En Angleterre, où elle est d’un usage ancien, ainsi qu’en Amérique du Nord anglo-saxonne, l’acre est une unité de superficie encore couramment employée, définie comme valant 4 840 yards carrés (ou verges carrées), soit 4 047 m2. Dans le Québec rural, l’emploi du mot acre survit notamment dans les régions qui ont été loties après la conquête britannique.
Faut-il dire un acre ou une acre ? Antidote permet les deux. Le genre de ce nom ne fait pas l’unanimité. Les dictionnaires usuels les plus récents le considèrent généralement comme féminin, mais, en Normandie, région française où l’unité était principalement employée, le mot était plutôt masculin. De même, au Québec, le mot est encore souvent employé au masculin.
Les Québécois prononcent ce mot avec un a postérieur, ce qui les porte parfois à l’écrire à tort avec un accent circonflexe, comme l’adjectif âcre.
arpent
Autre mot qui fleure bon le terroir, l’arpent, un nom qu’on fait remonter au gaulois arepennis, était la principale unité de superficie agraire en France avant la Révolution. Il était égal à la superficie d’un carré de 10 perches de côté, mais comme la valeur de la perche variait suivant les régions, l’arpent variait parallèlement, valant généralement entre 3 000 m2 et 5 000 m2.
En Nouvelle-France, colonie qualifiée par Voltaire de « quelques arpents de neige2 », on utilisait l’arpent basé sur la perche de 18 pieds français de Paris : un arpent était donc égal à 32 400 pieds français carrés, ce qui correspond à 3 419 m2. Les terres du Québec défrichées sous le régime français étaient mesurées en arpents et le mot y est encore occasionnellement utilisé en milieu rural. Arpent peut aussi y désigner l’unité de longueur représentant le côté d’un carré d’un arpent de superficie, soit 180 pieds français, ce qui équivaut à 58,47 m.
C’est du nom de l’arpent que dérivent arpenter, arpentage et arpenteur, des mots relatifs au mesurage de la superficie des terres. Ils sont toujours bien vivants, même si ce n’est plus avec des arpents que les arpenteurs arpentent.
Quelques unités terre à terre
Pour donner une image concrète de ce que représente telle ou telle superficie, les médias aiment bien utiliser des « unités » parlantes pour le commun des mortels, comme le « terrain de football ». Voici donc en conclusion un tableau de référence que l’on pourra consulter en fonction de son sport de prédilection. Y figurent aussi les principales unités décrites ci-dessus. Les valeurs sont données en mètres carrés et rangées en ordre croissant.
mètres carrés | unité | |
1 | 1 mètre carré | |
100 | 1 are | |
162 | 1 terrain de volleyball | |
261 | 1 terrain de tennis (avec couloirs) | |
420 | 1 terrain de basketball (international) | |
1 250 | 1 piscine olympique | |
3 419 | 1 arpent (Québec) | |
4 047 | 1 acre (Québec) | |
4 459 | 1 terrain de football américain (excluant les zones de but) | |
5 978 | 1 terrain de football canadien (excluant les zones de but) | |
7 140 | 1 terrain de football (soccer) | |
10 000 | 1 hectare | |
1 000 000 | 1 kilomètre carré |
-
Bureau international des poids et mesures, le Système international d’unités (SI), 9e édition, BIPM, Sèvres, 2019, p. 33. ↩
-
Plusieurs citations de Voltaire sur ce thème sont données dans l’article « Quelques arpents de neige » de l’encyclopédie en ligne Wikipédia. ↩